Jean-Pierre FABRE et CAP-2015: Un faire valoir pour FAURE Gnassingbé. (Troisième partie)
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- Écrit par Togo En Lutte
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Que faire ? Les solutions des démocrates.
Cette impasse dans laquelle se trouve l'opposition dite démocratique ne touche aucunement les démocrates. Parce qu'ils ne se déterminent pas par rapport aux échéances électorales qu'ils considèrent actuellement comme un non événement. Nous sommes déjà à l'œuvre, avec nos analyses et nos propositions. La situation actuelle, qui nous conforte dans nos analyses et nos points de vue, nous encourage à aller de l'avant avec enthousiasme, en portant une attention particulière aux déçus de l'opposition dite démocratique. A leur intention, avant de voir ce qu'il convient de faire maintenant, nous allons commencer par expliquer qui nous sommes en tant que démocrates, en quoi les démocrates n'ont rien à voir avec l'opposition dite démocratique, et pourquoi ils tiennent à s'en démarquer.
Pourquoi tenons-nous donc au terme de démocrates ?
Pourquoi voulons-nous et devons-nous marquer la différence avec l'opposition ? Après tout ne sommes-nous pas censés nous «opposer» tous au pouvoir en place ? La réponse est évidente: le contraire du mot dictature (autocratique, oligarchique et fasciste) ce n'est pas le mot «opposition», c'est bien le mot démocratie. Ces deux mots sont antagoniques et recouvrent des réalités également antagoniques, c'est-à -dire des réalités qui s'éliminent l'une l'autre. Comme nous l'avons vu, l'opposition ne fait que s'opposer, et pour des raisons les plus diverses: des motifs personnels, des rivalités d'intérêts par exemple...
Les démocrates, rien que par leur nom annoncent d'emblée la couleur: leur raison d'être et leur objectif c'est d'éliminer la dictature, ce qui exclut tout compromis avec celle-ci; et leur motif unique, c'est la démocratie.
Les démocrates sont ceux qui affirment:
- que l'instauration de la démocratie passe par le démantèlement du régime dictatorial.
- qu'elle exclut toute idée de négociation et de conciliation de démocratie par les urnes.
- Qu’elle ne peut être que l'œuvre de la lutte du peuple lui-même organisé et mobilisé.
C'est ce point de vue que défendent tous les démocrates, individuellement comme collectivement, et c'est ce qui les guident dans leur conduite. Tout cela n'a rien à voir ni avec ce que dit et ce que fait l'opposition dite démocratique. C'est donc en toute logique que nous n'avons pas l'intention de nous présenter comme un courant, même «radical» de celle-ci. Nous n'avons pas du tout l'intention d'en faire partie, et, parce que nous n'avons rien de commun ni avec ses positions ni avec ses pratiques, ni avec ses organisations ni avec ses leaders et nous n'avons pas l'intention de nous en réclamer pour répondre au besoin de clarté, pour affirmer notre refus de tout compromis, non seulement, avec la dictature, mais aussi avec l'opposition dite démocratique elle-même.
Ainsi le Comité Togolais pour la Culture et la Liberté -CTCL- écrivait en 1995 dans TOGO INFOS, son organe d'information: Le Peuple et «l'opposition démocratique» n'ont ni les mêmes intérêts, ni les mêmes objectifs. Nous pouvons aussi dans le même sens rappeler cet article de L'EXILÉ, intitulé «De la nécessité incontournable de combattre les faux démocrates de l'opposition».
Les positions des démocrates ont pour conséquence des pratiques qui n'ont rien à voir avec celles des faux démocrates. Ainsi, contrairement aux faux amis du peuple de l'opposition dite démocratique, les démocrates ont toujours affirmé que la liberté et la démocratie ne se négocient pas. C'est une question de principe et de logique: en effet, négocier c'est accepter de faire des concessions réciproques. Or, peut-on concéder une partie de la démocratie, de la liberté ? C'est tout simplement inconcevable. Par ailleurs, c'est une question déjà tranchée par l'Histoire.
En effet, on n'a jamais vu une dictature accorder d'elle même la liberté, se transformer en démocratie, on n'a jamais vu un dictateur quitter de lui-même le pouvoir. Il faut l'y contraindre et cela passe nécessairement par la lutte, et seule la lutte paye. Pour les démocrates, la démocratie par la conciliation, le dialogue, la négociation et par les urnes est une immense duperie.
Ils ont toujours marqué leur distance à l'égard de toutes les tractations, négociations que l'opposition n'a cessé de mener avec la dictature depuis les négociations FAR-gouvernement de mars 1991. Parce que la négociation, le dialogue ont pour effet de susciter des espoirs illusoires, et par là même d'entraver la volonté et l'esprit de lutte et donc de retarder celle-ci; de ce fait, ils constituent un répit pour la dictature tout en lui offrant à bon compte l'occasion de se présenter à l'extérieur comme «ouvert au dialogue et la démocratie».
Les démocrates se sont toujours démarqués des illusions électoralistes et ont toujours combattu comme illusoire l'idée d'un changement démocratique par les élections, en expliquant non seulement qu'un dictateur n'organise pas des élections pour les perdre, ce que la vie vient d'ailleurs confirmer encore une fois chez nous, mais aussi que le démantèlement de l'appareil d'oppression dictatorial ne peut se faire par la seule force du bulletin de vote. C'est pour cette raison que les démocrates ont toujours appelé à boycotter les mascarades électorales celle du 25 avril comme les autres.
Pour les démocrates, la solution passe nécessairement par la lutte populaire. Nous entendons par là , la lutte du peuple organisé et mobilisé, et non un coup d’État qui ne résout rien. La tâche qui incombe aux démocrates, c'est donc de travailler à la prise de conscience, à l'organisation et à la mobilisation du peuple. C'est ce qu'ils ne cessent de faire, et leurs diverses publications peuvent en témoigner. Certes, on peut être vaincu dans la lutte, mais on a aussi des chances de gagner; mais sans la lutte on n'a aucune chance.
On entend souvent dire à propos des démocrates, qu'ils n'ont pas de projet de société, et ne font que critiquer; voire insulter les gens et; qu'ils risquent d'être éternellement isolés à cause de leur sectarisme. A vrai dire, les démocrates et leurs organisations ont déjà répondu à ce genre de question. Comme certains nous découvrent apparemment pour la première fois, nous allons donc reprendre brièvement ces réponses.
- Sur le premier point, à savoir l'absence de projet de société, nous dirons que tout ce que nous venons d'exposer à propos de notre ligne politique démontre le contraire; les démocrates ont bel et bien un projet de société: c'est celui d'une société démocratique et libre, c'est-à -dire débarrassée de toute domination, Il suffit de se donner la peine de nous lire. A l'inverse, nous ne sommes pas certains que ceux qui posent ce genre de question, et dont les sympathies pour la plupart d'entre eux, vont à l'opposition dite démocratique, soient capables d'expliquer ce qui différencie le projet de société du CAR, de celui de l'ANC par exemple, ou même du RPT/UNIR, et de l'UFC.
- Le deuxième point concerne la critique, une activité que l'on reproche souvent aux démocrates. On nous reproche en effet de ne faire que cela, ce qui est d'ailleurs faux, comme nous venons de le montrer à propos du projet de société. Nous notons que les auteurs de ce genre de remarques ne prennent pas la peine de démontrer, avec des arguments que nos critiques ne sont pas fondées: cela aurait pu donner lieu à de fructueux débats. C'est le fait même d'émettre des critiques à l'égard de leurs leaders qui les gènes, et c'est justement cette attitude qui nous amène à nous interroger à leur sujet et à nous demander ce qu'ils feraient des libertés démocratiques, si ces leaders parvenaient au pouvoir.
- Car ne l'oublions pas, la critique, c'est l'exercice d'un droit démocratique fondamental: la liberté d'opinion, la liberté d'expression. L'esprit critique c'est une disposition de l'esprit qui consiste à ne pas accepter des vérités toutes faites, sous prétexte par exemple qu'elles viennent de telle ou telle personnalité; à n'accepter une vérité comme telle qu'après l'avoir soumise à l'analyse et au jugement. L'esprit critique est donc un esprit démocratique par excellence, car le propre de la démocratie c'est qu'il n'y a pas de sujet tabou, ni de personnalité intouchable. Tout peut être critiqué, et la seule réponse face à une critique, c'est de prouver par des arguments qu'elle n'est pas fondée. C'est ainsi que l'échange d'arguments alimente la vie démocratique. Sans l'esprit critique, c'est le suivisme le plus plat, et le recul de la démocratie.
- Nous précisons que la critique n'a rien à voir avec l'esprit de critique. L'esprit de critique c'est la tendance à vouloir tout critiquer sans raison, donc à voir tout en mal. C'est cette tendance que certains veulent nous imputer, lorsque nous fustigeons les leaders de l'opposition dite démocratique. Mais tout cela est faux. En effet, les démocrates ne font pas des critiques pour la simple raison que c'est leur droit; ils le font parce que c'est aussi leur devoir. Prenons donc l'exemple d'un compatriote qui voit qu'un individu est en train de conduire son meilleur ami sur un chemin dont il sait bien qu'il conduit vers de grands dangers, voire vers la mort. Doit-il laisser faire pour déplorer après coup la mort de son ami ? Ce n'est certainement pas la meilleure façon de prouver son amitié. Nous pensons que le devoir d'amitié pour ce compatriote, doit plutôt consister à expliquer à son ami le danger que représente cet individu, et lui permettre ainsi d'éviter le danger.
Les démocrates ne procèdent pas autrement. Ils considèrent à juste titre que c'est un devoir, une obligation pour eux de démasquer les leaders de l'opposition dite démocratique devant le peuple, d'éclairer ce dernier sur leur nature de faux démocrates et de lui montrer qu'il est dans son intérêt de se détourner d'eux et des solutions qu'ils lui proposent. Ils le font parce qu'ils ont pris le soin de réfléchir sérieusement sur la question et qu'ils continuent d'ailleurs de le faire, non pas du point de vue de leur intérêts égoïstes, mais du point de vue des intérêts du peuple et de sa lutte pour la démocratie. D'ailleurs nous avons déjà exposé plus haut les critères qui nous servent de normes pour développer nos critiques. Il s'agit, rappelons-le:
- De la position politique.
- De la pratique politique.
Ainsi que nous l'avons souligné, c'est ce qui explique pourquoi la vie a toujours vérifié la justesse de leurs critiques. Notre tâche est donc de faire assimiler ces critères au peuple et c'est ce qui donnera à celui-ci les capacités nécessaires pour juger de lui-même les leaders et les organisations politiques. Nous appelons cela apprendre au peuple à distinguer ses amis de ses ennemis et de ses faux amis. C'est un travail fondamental pour les démocrates.
C'est donc à partir de ces critères que nous nous permettons de traiter des leaders de l'opposition dite démocratique de faux démocrates et de faux amis du peuple. Il ne s'agit donc pas d'une insulte, contrairement à ce qu'on entend ici et là , mais d'une appréciation politique fondée sur des positions et sur des faits.
- Prenons le cas d'un Edem KODJO qui déclare dès 1990 que le régime Eyadema n'est ni entièrement bon, ni entièrement mauvais. Voilà une personnalité qui, non seulement, a un lourd passé de participation au régime EYDEMA, mais qui prétend que le régime EYADEMA n'est pas entièrement mauvais. Les démocrates l'ont dénoncé comme faux démocrate et faux amis du peuple dès qu'il s'est manifesté sur la scène politique comme un opposant. Est-il juste qu'ils aient agi de cette manière ? Certainement: et ils n'ont fait que leur devoir, qui est de prévenir le peuple contre lui. Exactement comme on prévient un ami contre un individu qui risque de l'amener à sa perte.
- On peut aussi prendre l'exemple d'un AGBOYIBO, le fondateur du CAR un parti politique qui d'après ses proclamations, est censé lutter pour la démocratie, voire pour les déshérités, mais qui s'est proposé de servir les intérêts de la France. Alors que nous savons bien que les intérêts de l'impérialisme français sont incompatibles avec la démocratie. Les démocrates avaient donc le devoir de le désigner comme faux démocrate pour que le peuple ne se fasse pas des illusions à son égard, et c'est ce qu'ils ont fait. Ce qualificatif vaut pour d'autres leaders, et il n'est pas nécessaire de multiplier les exemples.
Mais il faut préciser que ces critiques ne signifient nullement que nous nions la nécessité de leaders politiques. Nous savons bien que le peuple a besoin de dirigeants. Ce sont les leaders de l'opposition dite démocratique que nous critiquons comme faux démocrates et faux amis du peuple. Et comme nous l'avons déjà dit, quand le peuple aura assimilé les critères d'appréciations, il saura qui accepter comme dirigeant et qui rejeter. En attendant, le devoir des démocrates est de les éclairer, et c'est ce que nous faisons. Nous y reviendrons d'ailleurs.
Examinons cette autre remarque que nous entendons souvent à propos de notre prétendu isolement.
En effet, d'après certains compatriotes, nous risquerions de rester isolés «à force de critiquer tout le monde», disent-ils… Nous pensons avoir déjà dit plus haut l'essentiel sur l'importance de la critique pour la démocratie et combien c'est un devoir pour les démocrates. C'est ce qui permet de voir clair, de ne pas laisser le peuple sous l'emprise d'idée fausses préjudiciables à son intérêts et à la démocratie. La fin de la critique, c'est la mort du mouvement démocratique. Et nous le répétons également, nous ne voyons aucun inconvénient à ce qu'on nous fasse des critiques. Mais de vraies critiques, c'est-à -dire argumentées, qui permettent de répondre de façon également argumentée. Les arguments du genre «vous ne faites que critiquer»: ne sont qu'une manifestation de dépit, elles ne servent à rien et surtout à la démocratie. Voyons maintenant ce qu'il en est de notre isolément.
Nous le répétons, et le répétons, nous ne critiquons pas tout le monde, contrairement à ce qu'on entend parfois. Ainsi, même quand nous critiquons l’UFC, le CAR, CAP 2015 et autres, c'est d'abord et avant tout aux dirigeants que nous nous en prenons, et pas du tout aux adhérents de base. Parce que nous estimons que ceux-ci sont de bonne foi, et qu'ils ont été trompés, contrairement aux chefs qui sont eux les trompeurs, et parce que nous estimons de notre devoir est de leur démontrer et d'œuvrer ainsi à faire progresser leur conscience politique démocratique. Travailler à faire progresser la conscience démocratique du peuple, c'est amener le peuple, par nos explications et par la pratique, à se faire l'idée selon laquelle :
- la démocratie ne peut s'instaurer que sur les ruines de la dictature; Cela suppose la destruction préalable du système dictatorial et de ses connexions extérieures. La démocratie ne saurait donc résulter ni de négociations ni d'un compromis avec la dictature.
- Ce ne sont pas les institutions qui créent la démocratie, c'est la démocratie victorieuse qui seule est à même de se doter d'institutions démocratiques et aussi de les faire appliquer réellement.
- Qu'il est plus que jamais nécessaire de se démarquer des partisans de la démocratie par la conciliation et par les urnes dont les déclarations et les pratiques politiques contribuent à semer des illusions et à freiner la mobilisation populaire.
- Que son intérêt majeur, aujourd'hui, c'est dans son organisation et sa mobilisation pour la lutte, et non dans des dialogues et concertations avec la dictature, ni dans des «réformes constitutionnelles et institutionnelles», ni dans des préoccupations électorales, ni dans la «communauté internationales».
C'est l'ensemble de ces tâches d'éveil des consciences qui constituent ce que nous avons défini plus haut comme notre ligne politique, c'est dans ce sens que travaillent les démocrates. Mais il existe une réalité incontournable: c'est que la prise de conscience ne se fait pas du jour au lendemain; elle demande du temps, et cela s'explique aisément: il ne suffit pas en effet, qu'une idée soit juste pour en convaincre le peuple; il faut que le peuple vérifie lui-même par l'épreuve, par sa propre expérience, qu'elle est réellement juste et c'est alors seulement qu'elle peut en faire sienne. Cela est bien normal.
Prenons le cas de ces compatriotes qui souhaitent en finir s avec la dictature et qui sont même descendus dans la rue pour cela. Mais voilà que des gens «importants», réputés prestigieux (grands diplômés, professeurs, grands avocats, anciens premiers ministres) viennent leur expliquer qu'eux ont la capacité de négocier la fin de la dictature, et qu'on peut leur faire confiance; c'est tout à fait normal que beaucoup se laissent impressionner et convaincre, et que les quelques voix qui essaient de les mettre en garde restent momentanément peu écoutées. A la première confrontation à la réalité, certains de ces compatriotes sont capables de comprendre que cette voie est erronée et de faire machine arrière, d'autres ont encore besoin de beaucoup d'épreuves pour s'en rendre compte.
La prise de conscience est inégale; c'est une question de longue haleine, et qui demande du temps. Les démocrates en sont bien conscients, comme ils savent que la patience est l'une des qualités dont ils doivent faire preuve. Si l' on pose la question de notre isolement sous l'angle de nos rapports avec les faux démocrates de l'opposition dite démocratique, nous disons donc que nous nous satisfons de cette situation, et que c'est ce qui pouvait nous arriver de mieux, car nous n'avons surtout pas l'intention de nous rapprocher d'eux. Notre préoccupation majeure, c'est le progrès de la conscience démocratique au sein du peuple. Et nous pouvons dire qu'il y a des signes encourageants à ce sujet.
Le premier de ces signes, c'est que les chefs de cette opposition sont de plus en plus l'objet d'interpellations et de questionnements de la part de leurs bases, qui n'hésitent plus à leur faire part de leur déception, voire carrément à les mettre en cause.
Un autre signe fort révélateur, c'est l'écho qui nous parvient des mouvements de grève, qui se sont développés ces derniers temps au pays: grève des travailleurs, grève dans la jeunesse, avec parfois des cris de «FAURE démission !», comme en 1990-1991. Sans doute ces mouvements sont-ils encore limités, mais ils montrent bien que le peuple est en train de renouer avec la lutte, ce qui est de bon augure pour la démocratie et pour l'avenir. D'ailleurs nous le savons bien, ce sont les petits ruisseaux qui font les grandes rivières.
Enfin, un troisième signe qui ne trompe pas, nous le voyons dans les multiples contacts que nos compatriotes de la diaspora prennent avec nous. Ces approches, en nette progression, sont de qualités diverses, car elles dépendent de convictions qui ne sont pas au même niveau: elles peuvent être simplement superficielles et temporaires, chez ceux qui, bien qu'ébranlés par la situation, n'arrivent pas à se convaincre définitivement que ces dirigeants de l'opposition pour lesquels ils ont un si grand respect aient pu les tromper, mais parfois elles sont déjà profondes et aboutissent à des adhésions durables. Mais nous pouvons dire que de façon générale, les démocrates ont des raisons d'être optimistes. C'est donc avec optimisme que nous allons aborder la question de «que faire ?».
De quelques interrogations et de leurs solutions.
Pour aborder cette question, nous devons commencer par tenir compte de ceux qui viennent seulement de se rendre compte de l'impasse où les ont entraînés les faux démocrates et qui se demandent eux aussi ce qu'il faut faire «maintenant», Ils sont actuellement dans une confusion extrême, mais à la différence de leurs chefs, eux sont de bonne foi. Nous devons donc aller au devant de leur attente et de leurs interrogations. Même si les questions qu'ils se posent ont déjà leurs réponses chez les démocrates, il n'est pas sans intérêt de les reprendre à l’intention de ces compatriotes. Et donc de les rappeler ici.
La question des leaders.
- Est-ce un nouveau leader qu'il nous faut ? En effet, certains de nos compatriotes qui s'interrogent actuellement continuent de voir la situation comme une question de leader. S'ils éprouvent de la déception à l'égard d'un Jean-Pierre FABRE et consorts, leur principale préoccupation, c'est néanmoins de trouver un autre leader «capable», et susceptible de les conduire. Certains en sont même venus à imaginer un Glichrist OLYMPIO de retour dans les rangs de l'opposition; tant ils se sentent orphelins, en manque de leaders. Nous ferons remarquer que rien ne garantit d'emblée qu'un autre leader fera mieux à la place de ceux de maintenant comme Jean-Pierre FABRE et consorts. C'est pourquoi nous pensons que la meilleure façon pour ces compatriotes d'aborder la question aujourd'hui, c'est de commencer par faire le bilan de ce soutien qu'ils ont apporté à ces chefs de l'opposition pendant tant d'années, depuis AGBOYIBO et le FAR en 1991, jusqu'à Jean-Pierre FABRE et consorts aujourd'hui, en passant par Edem KODJO, KOFFIGOH, GNININVI, Gilchrist OLYMPIO.
Le constat est sans appel: après tant des tractations, négociations, accords… menés par ces derniers, le régime est toujours debout. Seuls, les chefs eux-mêmes ont pu profiter de l'occasion pour obtenir ici et là des avantages notamment des postes de ministres, de premiers ministres, des sièges de député. Le peuple lui n'y a rien gagné. Bref, le bilan est hautement négatif.
Alors n'est-il pas temps de penser les choses autrement ?
Il faut d'ailleurs noter que cette recherche angoissée d'un leader pour se mettre sous sa direction, n'a pas toujours caractérisé la vie politique dans notre pays. Pendant la lutte anticolonialiste, la division politique qui existait séparait d'abord des anti-colonialistes et les pro-colonialistes. On ne parlait pas du tout alors de pro OLYMPIO ni d'anti-OLYMPIO, ni de pro-Grunitzky, et d'anti-Grunitzky, parce que c'était la ligne politique qui l'emportait, et que ces leaders en étaient d'abord et avant tout les porte-paroles. On n'adhérait pas à un parti parce qu'on préférait tel leader à tel autre, mais parce qu'on partageait la vision de ce parti. C'est ainsi que dans le camp nationaliste, le slogan courant n'a jamais exalté un quelconque leader. On n'a jamais entendu des slogans du genre «Vive OLYMPIO !», mais plutôt simplement «ABLODE». Preuve s'il en est, que c'était la cause qui était mise en avant, que tous avaient conscience que c'était elle qui l'emportait, qu'elle était supérieure aux individus, mais aussi que les individus étaient capables de se subordonner à la cause, et de se laisser transcender par celle-ci.
Dans le même sens, nous noterons le nombre très restreint des partis politiques à cette époque. Cela s'explique. En effet, le premier geste d'un compatriote partisan de l'indépendance, ce n'était pas de créer son propre parti, mais plutôt de rejoindre les partis nationalistes existant, pour contribuer au renforcement du camp d'ABLODE. Et s'il y avait deux partis nationalistes, ce n'était pas du tout pour une question de leaders; c'est parce qu'il y avait deux courants politiques dans le camp anti-colonialiste: un courant nationaliste (le CUT), et un courant à tendance anti-impérialiste (la JUVENTO). Aujourd'hui, ce ne sont pas les confrontations d'idées, de programmes, qui marquent la scène politique; ce sont les chefs et leurs diverses manifestations, démarches, négociations, accords déclarations. L'idée que toute solution passe par eux s'est imposée à bien des compatriotes.
Mais comment en est-on arrivé à une telle situation ?
Si l'on remonte un peu plus loin dans notre histoire, on peut relever que les premiers signes sont déjà apparus sous le régime OLYMPIO, lorsqu’on commencé à circuler des commentaires du genre «le chef sait lui-même ce qu'il fait». Mais c'est le régime Eyadema qui a donné toute son ampleur à cette évolution. En effet, c'est sous le régime EYADEMA qu'a été imposée, par la répression, la mystification, le mensonge la corruption et l'achat des consciences, l'idée d'un guide omnipotent, omniscient, père de la nation, premier en tout… Sous ce régime, l'affirmation de son attachement au «Guide suprême», au «Timonier», l'organisation et la participation à des «marches de soutien» tenaient lieu de militantisme. La formation politique, se réduisait à l'apprentissage de slogans et de la danse, de l'Animation, toujours en honneur du «Guide». Et tout cela se déroulait dans une ambiance qui ne tolérait pas la moindre critique, qui ne voulait entendre qu'un seul son de cloche, celui du RPT, où les seules voix différentes venaient de ceux qui avaient dû s'exiler. Des centaines de milliers de nos compatriotes ont été ainsi pratiquement formatés dans cette ambiance, et il en est resté des traces et des réflexes… Or, le fait est que de nombreux fondateurs et dirigeants des partis de l'opposition dite démocratique, sont d'anciens cadres, même d'anciens cadres dirigeants du régime RPTiste. Un régime où le zèle pour assurer sa promotion personnelle et assouvir son ambition personnelle, était largement cultivé. Par la suite, ils se sont déclarés «opposants», mais ils n'ont rien perdu quant à leur ambition personnelle.
D'un autre côté, des habitudes et des pratiques malsaines de ce régime, et notamment la culture du chef et du guide, ont laissé des traces dans l'esprit populaire et ne pouvaient pas s'effacer du jour au lendemain. C'est ainsi que de nombreux compatriotes ont encore tendance à rechercher la solution à nos problèmes à travers un chef, un guide, en espérant à chaque fois que ce soit le bon. Et c'est ainsi qu'ils vont de déception en déception... C'est avec cette habitude qu'il faut rompre. Il faut amener nos compatriotes à être en capacité de juger une position politique par rapport à elle-même à travers des critères politiques déterminés, et non pas par parce qu'elle vient de tel ou tel personnage si prestigieux soit-il sur la scène politique. C'est ce que nous essayons de faire par notre propre pratique.
C'est la raison pour laquelle, les démocrates s'efforcent de faire connaître au maximum, notamment à travers leurs diverses publications, la ligne politique démocratique, c'est-à -dire de faire comprendre ce qu'est réellement la démocratie, et ce qu'est la lutte pour la démocratie. Ce faisant nous mettons à la portée de nos compatriotes les critères politiques qui doivent leur servir dans leur jugement; c'est aussi pour cette raison que les démocrates évitent de personnaliser leurs positions. Ainsi on ne voit pas chez nous à l'heure actuelle des communiqués, des déclarations signés d'une personne, d'un individu: c'est seulement au nom d'une organisation. Pourquoi ? Parce que pour les démocrates, ce sont les positions qu'il importe pour le moment de faire connaître et non des individus, et aussi parce que leur souci est de faire comprendre que ces positions sont le fruit d'une élaboration collective.
L'objectif des démocrates, et ils ne s'en cachent pas, c'est que nous puissions parvenir ensemble à l'émergence d'un vaste mouvement populaire et démocratique. Et nous savons très bien qu'un tel mouvement est d'autant plus solide et plus fort qu'il sera effectivement bâti autour d'un projet démocratique clairement défini, et non autour de l'ambition personnel d'un ou de quelques personnalités, comme c'est le cas des diverses alliances, coalitions, coordinations que tentent les faux démocrates et qui ont des difficultés à perdurer: elles sont toujours éphémères et peinent à perdurer parce qu'elles sont liées au projet personnel des dirigeants; elles se disloquent dès lors que ces dirigeants n'y trouvent plus leur compte.
Un vaste et puissant mouvement démocratique, c'est -à -dire organisé et mobilisé sur une ligne politique démocratique claire, c'est de cela que le peuple a d'abord besoin aujourd'hui, car c'est ce qui doit lui permette non seulement d'y voir clair, mais aussi de disposer de son arme de résistance et de lutte face à la dictature. C'est à cela que nous devons travailler au premier chef.
Mais cela ne signifie pas pour autant qu'il puisse se passer de dirigeants et qu'il n'ait pas besoin de leaders. Mais ce seront des dirigeants qui vont émerger comme produits du mouvement démocratique au sein duquel ils auront fait la preuve de leur capacité, de leurs qualités. A coup sûr, ce ne seront pas des dirigeants autoproclamés, pressés de se servir du peuple pour négocier des avantages personnels au détriment de la lutte. Issus du mouvement démocratique, ils auront à cœur de respecter la volonté populaire, de conduire la lutte jusqu'à la victoire de la démocratie.
Nous dirons donc en conclusion, que la question de leader n'est pas la question la plus pressante aujourd'hui. Le plus important, c'est d'abord de nous regrouper, de nous organiser, de nous instruire pour apprendre à lutter ensemble. La question des dirigeants trouvera sa solution au fur et à mesure des avancées de notre organisation, de notre mobilisation et de nos luttes. Nous terminerons ce sujet, par quelques remarques et observations qui nous reviennent souvent.
A propos du prétendu anonymat de nos prises de positions.
Pour certains, nos prises de positions, du fait qu'elles ne sont pas signées d'un auteur, sont anonymes et donc risquent de ne pas avoir suffisamment de poids; d'autres se demandent si des espions, des agents du pouvoir ne pourraient pas reprendre les mêmes positions pour cacher leur jeu. Cette remarque concernant l'anonymat de nos prises de positions, vient souvent de ceux qui continuent à rechercher la solution à travers un chef. Nous avons déjà répondu à cette observation. En effet nos prises de position ne sont pas anonymes, du fait qu'elles se font toujours au nom d'une organisation.
Par là , nous affirmons leur caractère collectif, car nous sommes convaincus que c'est collectivement que nous pouvons nous libérer de la dictature et de l'oppression. Concernant le risque d'espionnage, nous disons que cela ne nous gêne pas du tout, et que cela ne devrait gêner personne. En effet, notre souhait à tous les démocrates, c'est que les idées démocratiques se répandent, peu importe de quelle manière. Alors si un espion veut s'en charger pour pouvoir se dissimuler, pourquoi pas ? Et d'ailleurs qu’est-ce qu'il pourrait espionner ?